BD fait de société, BD historique, BD sentimentale

Mauvais genre

MAUVAIS GENRE (d’après La garçonne et l’assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman), par Chloé Cruchaudet (Delcourt, 2013, coll. Mirages)

Au début du 20ème siècle, Louise et Paul sont amoureux. Après s’être tournés autour pendant quelques temps, ils se marient juste avant que Paul ne parte faire son service militaire. La guerre éclate alors que Paul devenu caporal est à la caserne. Il va vivre les horreurs de la guerre, et c’est la mort devant lui de son ami Marcel qui va le décider à s’automutiler. Mais sa convalescence allant prendre fin, il choisit de déserter pour retrouver Louise. Le couple va alors vivre pendant le reste de la guerre avec Paul caché, jusqu’au jour où après une énième dispute, Paul choisit de sortir à l’extérieur, déguisé avec une robe de son épouse. C’est le début de son travestisme. Aidé de Louise, Paul va travailler les moindres détails de son apparence pour apparaître crédible, jusqu’à en devenir Suzanne. Il va même trouver du travail et faire de nouvelles rencontres. Cette situation va perdurer pendant dix ans après la fin de la guerre, jusqu’à ce que les déserteurs soient amnistiés. Mais il lui est difficile de quitter celle qui a remplacé Paul, d’autant plus que son couple avec Louise vacille…

Voici un album qui a beaucoup fait parlé de lui l’an passé, que j’avais à la maison depuis Noël sans avoir pris le temps de le lire. J’avais un peu peur d’être déçue après les avis dithyrambiques publiés un peu partout. Je me suis finalement décidée et j’ai regretté de ne pas l’avoir lu avant. Le dessin est très beau, avec beaucoup d’ombres grisées. On n’a pas de mal à reconnaître les personnages. Paul est stylisé avec son grand nez pointu, et malgré sa coupe de cheveux et ses habits féminins, on parvient toujours à le distinguer parmi les autres femmes. Au niveau du dessin, je découvre le trait de Chloé Cruchaudet, et je dois avouer que j’ai bien envie d’ouvrir ses autres productions, car ce trait me plaît bien, tout comme ses choix de couleurs, noir, gris et rouge. L’histoire de Mauvais genre, adaptée d’un ouvrage de deux historiens, est vraiment bien amenée, avec une introduction dont on comprend qu’elle se passe en fait à la fin de l’histoire, sans pour autant savoir qui est accusé. Ensuite, la scène dans le tribunal ne revient qu’une fois dans le récit, et on retourne dans le récit de la vie de Paul/Suzanne, racontée de façon chronologique. Certains éléments de l’histoire du couple sont fictionnelles, notamment les dialogues, mais ceux-ci sonnent très justes. J’ai lu cette histoire d’une seule traite, c’est dire si j’ai été happée par ce couple hors normes où l’apprenti(e) va finalement dépasser le maître, dans le Paris des années 1920. L’histoire est réellement hors du commun et on se demande comment une telle situation (désertion puis transformisme) a pu se produire il y a près de 100 ans, alors que pourtant, les deux historiens (dont j’ai envie de lire l’ouvrage) ont montré grâce aux archives que Paul et Louise ont vraiment existé, avec la vie qui est racontée dans cette BD. Au delà de la vie du couple, les horreurs de la guerre sont aussi mentionnées dans des cases très travaillées, tout comme le retour des poilus à Paris en 1918-1919. J’ai aimé ce côté historique qui raccroche la petite histoire à la grande. Pas un faux pas dans cet album qui vaut vraiment le coup, même si elle n’est pas à mettre entre toutes les (jeunes) mains… C’est pour moi, un joli coup de cœur, même tardif !

A partir de 15 ans selon l@BD.

On en parle (vraiment beaucoup) sur les blogs : Au milieu des livres, La bibliothèque de Noukette, Chroniques de l’invisible, Sin City, Twenty three peonies, Sulli raconte sa BDBlog brother, Le blog de ChadumeMadiMado’s blog…..

Quelques planches sur le site de l’éditeur.

Cet album a reçu de nombreux prix, dont le prix du public à Angoulême en 2014 et le prix coup de cœur à Quai des Bulles 2013.

Interview de l’auteur à lire et écouter sur RFI.

9 réflexions au sujet de “Mauvais genre”

Laisser un commentaire