BD fait de société

La différence invisible

LA DIFFÉRENCE INVISIBLE, par Julie Dauchez (scénario) et Mademoiselle Caroline (dessin) (Delcourt, 2016, coll. Mirages)

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Marguerite a la vingtaine, un petit ami, un emploi de bureau dans une entreprise. Sa petite vie est parfaitement réglée, il faut dire que Marguerite aime son train-train et déteste tout imprévu : son trajet est parfaitement réglé, tout comme son emploi du temps quasi-minuté. La jeune femme déjeune toujours seule et ne prend pas de pause avec ses collègues, elle ne saisit pas le second degré et passe pour être particulière, voire même bizarre aux yeux de ses collègues. Elle a aussi des difficultés avec la vie en société : elle déteste les week-end imprévus ou loin de chez elle, ainsi que les soirées avec les amis de son mec, amis qui ne lui adressent même plus la parole. En même temps, elle ne sait pas quoi leur dire… Un jour, à force de se demander pourquoi elle n’est pas comme les autres, elle tombe sur un article sur internet qui lui fait découvrir le syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. C’est la révélation pour la jeune femme, qui va alors, à force de persuasion et de persévérance, passer des tests et être diagnostiquée Asperger, « aspie » pour les intimes….

Voici un album découvert une nouvelle fois grâce aux blogs (je ne sais plus lesquels mais je les en remercie !). Je ne serais pas forcément allée vers ce type d’album (même si la dessinatrice et moi portons le même prénom), et je ne connaissais pas du tout le sujet de cet album épais avant de l’ouvrir. Je serais alors passée à côté de mon coup de coeur du moment, car cet album autobiographique est réellement bien fait, et très instructif sur Asperger, une forme d’autisme encore assez méconnue et ignorée en France par les professionnels de la santé et le grand public.

Le récit est raconté du point de vue extérieur, avec une voix off dont on comprend l’identité en fin d’histoire. L’histoire est organisée en deux parties : la première, d’à peine 100 pages, dans laquelle on prend le temps de rencontrer l’héroïne/scénariste et de découvrir sa vie et sa différence, la seconde qui se passe après le diagnostic, avec la renaissance de Marguerite, soulagée d’un poids, vivant mieux depuis qu’elle sait son autisme.

Le dessin de Mademoiselle Caroline que je n’avais jamais croisé jusque là est tout à fait en adéquation avec le propos : le dessin est simple mais très vif, il sonne « très fille » (un garçon n’aurait pas dessiné comme ça, je pense). Les touches de couleurs vives dans les cases sont ponctuelles, et heureusement, car sinon je crois que cela alourdirait les cases (déjà que certains sont assez colorées). Le trait est frais, agréable, et passe comme une lettre à la poste. Dommage que l’ajout de couleurs fasse parfois trop numérique. Mais sur cet album-là, ce n’est pas bien grave, car c’est vraiment plus le propos que les couleurs qui m’ont intéressée.

En effet, cet album fin et sensible veut aussi vraiment démonter les clichés et préjugés, et faire comprendre de manière simple ce qu’est le syndrome d’Asperger. Ainsi, il ne cache pas les réactions parfois très négatives des gens face à l’autisme, ainsi que les idées reçues : en effet, l’autisme existe sous de nombreuses formes, dont Asperger. Il est aussi assez didactique, dans le sens où il informe sur le syndrome de façon claire et précise. Au fil de la lecture, j’ai regretté de ne pas avoir lu cet album avant, ou au moins de m’être informée sur ce syndrome auparavant. En effet, dans le cadre du travail, j’ai eu l’occasion par le passé de rencontrer plusieurs élèves qui avait été diagnostiqués Asperger. Je pense particulièrement à une élève qui s’est épanouie au fil des années. J’ai retrouvé des comportements de cette élève dans Marguerite, et cet album m’aurait certainement aidé à mieux comprendre ses réactions qui étaient parfois un peu décalées, et pas toujours naturelles chez elle. De plus, à la fin de l’album, si on veut en savoir plus et aller plus loin que ce témoignage dessiné en 170 planches, les auteures nous proposent des pages à visée plus documentaire, avec des explications très claires sur Asperger (historique, définition, stratégies d’adaptation, points forts des aspies…), et des ressources variées (bibliographie avec des témoignages, des romans, un livre pour enfant, mais aussi des propositions de docu-fiction, de documentaire, de web-documentaire ou encore de site internet).

Bref, vous l’aurez compris, j’ai aimé lire cette différence invisible, qui m’a vraiment touchée. C’est un album à faire lire autour de soi, pour ne pas rester à l’ère préhistorique concernant l’autisme et faire évoluer les choses (on est au 21è siècle, non ??)

Non mentionné sur l@BD, mais je dirais à partir de 15 ans.

On en parle sur les blogs : Le petit carré jaune, Le triangle masqué, Les tribulations d’une asper-girl, Bar à BDNourritures en tout genre, Chroniques de l’invisible

Découvrir le blog de Julie Dachez, qui est désormais docteure en psychologie spécialisée dans l’étude de l’autisme…

Premières planches à voir sur Izneo.

Cet album participe à la-bd-de-la-semaine-150x150, cette semaine chez Moka.

31 réflexions au sujet de “La différence invisible”

    1. Le sujet est traité avec un peu d’humour ici, ou alors c’est le dessin léger qui allège le propos… C’est un peu plus drôle que le tien 😉 En tout cas, je te souhaite de trouver et de lire cet album-là !

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    1. Oui, pour une fois, j’ai mis autre chose que mon seul avis dans ma chronique, mais on est avant tout ici sur un blog de lecture… 😉
      Et sinon, pour le dessin, c’est juste qu’on reconnaît un trait féminin je trouve, et que certains mecs (dont le mien par exemple) ne seront pas attirés par ce genre de graphisme, qui plaira plus généralement aux lectrices (et non lectrices) de BD… C’est peut-être un peu cliché ce que j’écris là, mais j’assume ! ^^

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