BD fait de société, BD sentimentale

Le chemisier

LE CHEMISIER, par Bastien Vivès (Casterman, 2018)

005540529Séverine est étudiante sur Paris, et vit avec son compagnon. Sa vie est banale, tout comme son couple : d’ailleurs, son ami ne la regarde même plus, tout passionné qu’il est par la technologie et ses amis… Séverine, discrète voire même effacée, ne dit rien et attend que ça passe. En parallèle de ses études, elle garde une petite fille, pour gagner de quoi financer ses études. Mais après une soirée où Eva lui a vomi son repas dessus, le père de la fillette lui prête un chemisier de sa femme, et dès lors, tout change dans la vie de Séverine : à la fac, elle ne passe plus inaperçue, que ce soit de la part des autres étudiants ou du prof de littérature. Les hommes se retournent sur elle dans la rue… Ce chemisier lui fait prendre confiance en elle,  la jeune femme se révèle et reprend sa vie en main…

J’aime assez ce que fait Bastien Vivès (Polina, Une soeur, La famille…), et j’étais curieuse de cet album. Mon ami l’a acheté sans m’en parler avant, car lui aussi avait été conquis par « une soeur ». Ici, on a parfois l’impression que ça reprend le même schéma que cet album, mais finalement non : on suit une fille sans véritable personnalité qu’une simple vêtement va métamorphoser, tel un papillon sorti de sa chrysalide. Le récit est bien mené, le changement de la jeune femme paraissant au départ insignifiant mais s’avérant au final bien plus important que cela.

Certaines scènes sont assez inattendues, osées oui sans nul doute, mais comme Bastien Vivès sait les faire. Je pense par exemple à l’homme dans la rue, alors que Séverine attend dans une voiture un homme qu’elle a rencontré quelques instants auparavant. Cela m’a surprise, car je ne m’attendais pas à cela, mais en même temps, connaissant un peu l’auteur et sa réputation, après réflexion, cela ne cloche pas dans le récit. Certes, il aime dessiner des gros seins et des scènes de sexe, mais bon, cela passe dans le récit, sans en faire pour autant un album interdit aux moins de 18 ans. En tout cas, Bastien Vivès a réussi à m’emmener dans son histoire pendant 200 pages sans discontinuer. La jeune femme change du tout au tout, on s’attache de plus en plus à elle, même lorsqu’elle devient presque parfois une fille facile, cumulant les relations avec des hommes parfois bien plus âgés qu’elle. Comme si le chemisier avait un pouvoir magique, elle le garde très souvent sur elle, et le vêtement finit donc tâché, abîmé, déchiré… C’est bien sûr exagéré, mais ce comportement de vêtement fétiche doit bien exister…

Le trait de Bastien Vivès est toujours aussi reconnaissable, au premier abord peu expressif, mais au final recelant de nombreux détails et sentiments, suggérant beaucoup plus qu’il ne montre. Il joue assez peu avec les couleurs, utilisant une palette de noir et blanc, parsemé de différents gris… Le graphisme est épuré, d’autant plus qu’il n’y a pas souvent de décors, et que l’œil du lecteur se concentre donc sur le personnage. C’est agréable lors de la lecture, l’absence de couleurs et l’aspect simple ne parasitant pas ce récit qui recèle des situations bien réalistes.

Bref, un agréable moment de lecture pour moi. Je sais bien que cet auteur divise le lectorat, mais en ce qui me concerne, j’espère poursuivre ma découverte des productions de Bastien Vivès très bientôt !

Cet album a reçu le prix Wolinski 2018 il y a quelques jours.

Je conseillerais à partir de 15-16 ans.

On en parle sur les blogs : Mes échappées livresques, Sur la route de Jostein, BricabookBla bla bla blog, Sans connivence

Premières planches sur Izneo.

Cet album participe à labd bleu, et ce mercredi c’est Moka au milieu des livres qui regroupe les billets des bulleurs participants, que je vous invite à découvrir !

27 réflexions au sujet de “Le chemisier”

Laisser un commentaire