BD historique, BD polar

Les filles de Salem

LES FILLES DE SALEM, Comment nous avons condamné nos enfants, par Thomas Gilbert (Dargaud, 2018)

salemAbigail Hobbs est une adolescente qui vit avec ses parents à Salem, en Nouvelle-Angleterre. Pour elle, dans ces Etats-Unis du XVIIe siècle, tout allait bien, jusqu’à ses treize ans. Avec son amie Elizabeth Parris, fille du révérend, elle aime aller se promener, et les deux jeunes filles rencontrent un jour dans la forêt Mikweh, un indien. Ils parviennent à communiquer et se revoient, toujours secrètement. Mais cela dégénère lorsque les indiens attaquent Salem en pleine nuit, et la vindicte populaire va se déchaîner sur tous les membres de la communauté qui ne suivent pas les préceptes du révérend…

Voici un album qui au départ a été plusieurs fois présenté lors de « la BD de la semaine », qui a lieu chaque mercredi sur de chouettes blogs. La couverture ne m’inspirait pas du tout, même si les avis étaient très bons. Et puis un jour par hasard, je suis tombée dessus à la bibliothèque, et je l’ai emprunté sans trop réfléchir. Pas totalement déterminée non plus à la lire, je l’ai laissé traîner, et l’ai lu un peu avant de le rendre. J’avais pris plein de notes dessus, et donc cet article va reprendre mon avis suite à cette lecture qui date d’avant le confinement.

J’avais déjà entendu parler de Salem, justement pour ses sorcières, mais sans connaître l’histoire réelle. Autant dire que cet album-là est impressionnant, parce que l’histoire est sacrément triste et injuste. La jeune Abigail semble tout à fait normale, elle a une amie et vit paisiblement jusqu’à ce qu’elle découvre le vrai visage du révérend… Le révérend, justement, est lui carrément détestable, car il a l’entière main-mise sur la communauté de Salem village. Son apparence (yeux jaunes transpirant de haine, large cape et grand chapeau sombres) n’aide pas non plus à en faire un personnage des plus affables.

Le graphisme de Thomas Gilbert, que je découvre à cette occasion, est tourmenté, les personnages sont assez en longueur, il n’y a pas forcément de volonté de rendre le récit complètement réaliste. Les couleurs sont assez ternes, tout comme l’ambiance à Salem d’ailleurs, décrite par Abigail. Les seuls passages colorés sont ceux des danses avec Mikweh, des moments plus joyeux au départ ainsi que pendant le procès (ce choix de couleurs à ce moment-là m’a étonnée d’ailleurs, mais c’est peut-être aussi parce que c’est un moment où Abigail se révolte contre l’ordre établi).

L’hystérie collective (qui serait due en réalité à un champignon nommé ergot du seigle) est bien marquée par plusieurs épisodes : la lapidation de la jeune fille qui tenait la taverne avec sa mère, l’emprisonnement de femmes accusées de sorcellerie et de danses sataniques avec un bouc noir magique, les accusations liées à des ‘déformations’ physiques (grains de beauté, malformations…), ou encore l’accusation d’un porcelet qui aurait parlé à un homme (en réalité complètement alcoolisé)… Tous se déchirent, chacun accuse son voisin, c’est le déchaînement général. Le procès qui a lieu sous l’égide du révérend est d’ailleurs presque un moment de sketch tellement les accusations semblent montées de toutes pièces et démontrent la bêtise de certains hommes…

L’histoire est vraiment triste, d’abord avec l’amitié gâchée entre Abigail et la fille du révérend, puis par les accusations de sorcellerie sans fondement, des jeunes filles et des femmes emprisonnées. C’est aussi glauque, parce que totalement injuste et dépendant de la volonté d’un homme très puritain et sans scrupules mais qui a en réalité des moeurs pas du tout recommandables… L’album montre l’emprise de la religion sur une communauté renfermée sur elle-même et où peut mener l’extrêmisme.

La fin m’a rendue très triste, parce que le nombre d’accusées à tort est tout de même important (130 accusées, dont certaines très jeunes ou très fragiles). Cette histoire de folie collective est complètement sidérante. Le dessin est tout à fait en adéquation avec le récit, et on est littéralement happés par les presque 200 pages. L’histoire est véritablement marquante, cet album fort me marquera longtemps je pense…

Non mentionné sur l@BD, je dirais à partir de 13/14 ans.

Premières planches à lire sur Izneo.

On en parle sur les blogs : Au milieu des livres (Moka), Ca sent le book (Alice), Mon coin lecture (Karine), Le jardin de Natiora, La petite marchande de prose

Comme chaque mercredi, c’est labd bleu, et aujourd’hui, rendez-vous chez Moka pour découvrir toutes les pépites dénichées par les participants !

24 réflexions au sujet de “Les filles de Salem”

    1. Moi je ne mettrais pas… Mais si tu le lis et que tu estimes que c’est adapté à « tes » élèves , pourquoi pas ? Avec avertissement quand même… Tout dépend de ton public. Ici en tout cas, cela ne fonctionnerait pas…

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