BD historique

Puisqu’il faut des hommes

PUISQU’IL FAUT DES HOMMES : JOSEPH, par Philippe Pelaez (scénario) et Victor L. Pinel (dessin et couleurs) (Bamboo, 2020, coll. Grand angle)

006952369Début des années 1960, quelque part en Mayenne, près de Château-Gontier et de Laval, Joseph Fournier revient chez lui après 28 mois en tant qu’engagé dans la guerre d’Algérie. Il a toujours raconté qu’il travaillait à l’état-major, donc qu’il aurait vécu la guerre dans un bureau. Ce n’est pas comme les autres jeunes hommes de la commune, dont 3 sont déjà morts là-bas. Seul Michel, le fils du cafetier, est encore vivant… Joseph passe pour un planqué aux yeux du village, alors que son frère, coureur cycliste à l’avenir prometteur, est coincé dans un fauteuil roulant et que le père refuse d’utiliser un tracteur qui lui simplifierait les travux agricoles… Pas facile pour lui de retrouver une place dans cette famille et ce village…

Voici avec cet album une histoire peu commune en BD sur la guerre d’Algérie et l’omerta par ceux qui l’ont vécue, sur le silence et la honte que cela engendre dans les petites communes où tout se sait, où il n’est pas possible de cacher un secret. Cela a fait écho avec une conférence à laquelle j’ai assisté il y a un an ou deux avec des anciens combattants qui ont tu pendant des années ce qu’ils avaient pu voir et vivre là-bas. 

J’ai aimé la reconstitution de la vie dans les années 1960, avec les premiers tracteurs, la mécanisation de l’agriculture, les fêtes de village, les jeunes gens qui s’y rencontrent… Une époque révolue (que je n’ai pas connue !) revient dans ces cases bien dessinées et pleines de couleurs. L’ambiance est superbement bien rendue par une colorisation sans faute. Des couleurs sont différentes lors des quelques planches sur ce qui s’est passé en Algérie, mais sinon, le reste a beaucoup de nuances, avec des couleurs assez variées, très réalistes. Le trait est réaliste et expressif : graphiquement j’ai beaucoup aimé.

Le seul bémol que je peux mettre concerne l’aspect romanesque : à mon goût, l’histoire est un peu trop romancée, avec l’amour de Joseph pour la fille du cafetier (Mathilde) qui est aussi la soeur de Michel. Alors forcément on se doute que l’homonymie des Mathilde n’est pas innocente (ce passage-là n’était pas essentiel, je trouve). Les relations sentimentales prennent un peu trop de place dans ce récit, mais ce n’est que mon avis… J’aurais aimé apprécier aussi la présence du court dossier documentaire en fin d’album, intitulé « de guerre lasse, ou le difficile retour du soldat », mais j’ai été un peu déçue car il ne concerne pas spécifiquement la guerre d’Algérie : il donne plutôt des références supplémentaires (littéraires, cinématographiques, artistiques) sur les retours des soldats, quelle que soient les guerres… c’est assez confus je trouve et n’apporte rien au récit. Seule la page titrée ‘destin compromis » est intéressante parce qu’elle parle de la culpabilité ressentie par les soldats à leur retour.

Cependant, dans l’ensemble, cet album one-shot de 56 pages est très agréable à lire (sauf parfois la typographie des courriers envoyés par Joseph, qui est un poil trop petite à mon goût…).  Cela a été pour moi une bien jolie découverte, même s’il y a certains points de scénario qui m’ont déplu…

A partir de 13 ans selon l@BD.

Premières planches à voir sur Izneo.

On en parle sur les blogs : Le petit carré jaune, La bibliothèque de Noukette, Mes échappées livresques, Au fil des plumes

C’est mercredi, c’est le jour de labd bleu, aujourd’hui chez Stephie et son blog Mille et une frasques !

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