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Orignal

ORIGNAL, par Max de Radiguès (Delcourt, 2013, coll. Shampoing)

Quelque part en Amérique du Nord, pendant l’hiver, comme tous les matins, Joe part à l’école. Comme tous les matins, il annonce à la conductrice de bus qu’il préfère y aller à pied, en passant par le bois. Comme tous les matins, l’ado a peur d’aller en cours, où il retrouve son tyran Jason, celui qui le martyrise de nombreuses façons, qui lui détruit ses affaires, le rackette et l’attaque verbalement et physiquemenment. Personne ne se doute des humiliations subies par Joe, qui ne peut en parler à personne, sauf à Sarah l’infirmière de l’école. En plus, c’est toujours Joe qui trinque, qui se fait réprimander, qui se prend les punitions et les retenues. Lorsqu’un soir alors qu’il rentre à pied par le bois, Joe croise Jason, la situation va déraper. La violence de Jason est stoppée net par un orignal que Joe avait déjà croisé, et le tyran se retrouve dans un trou dissimulé par la neige. Joe est le seul à savoir, mais que va-t-il choisir de faire : aider celui qui lui pourrit la vie ou l’ignorer, pour se venger ?

J’ai emprunté cet album après avoir lu un album du même auteur intitulé 520 km (que les élèves apprécient beaucoup, me demandant même s’il y a une suite…). Orignal est un format différent, A5, qui tient bien en main. L’album fait qu’un peu plus de 150 pages et l’histoire ne comporte aucune couleur, ce qui contraste fortement avec les jolies couleurs pastels de 520 km. Les héros par contre ont certains points communs : ce sont des ados qui n’ont pas confiance en eux, qui subissent la situation. Dans Orignal, on est forcément du côté de Joe, qui ne peut avouer aux adultes qui l’entourent le calvaire qu’il subit en cours. Cette situation est particulièrement touchante, elle sonne juste, les idées du tyran paraissant sans limites, avec la seule volonté de nuire, d’humilier, de détruire Joe. Cet album n’est donc pas réjouissant, il y a juste les passages avec l’orignal qui sont poétiques, car l’animal n’attaque pas l’adolescent mais va au contraire le protéger, comme s’ils arrivaient à se comprendre. J’ai beaucoup aimé le scénario, l’album se lit d’une traite, d’autant plus qu’il comporte peu de textes, les situations pouvant être décrites seulement avec les dessins. Les dessins, eux, sont simples, je n’ai pas été surprise car ce n’est pas ma première lecture d’une histoire de Max de Radiguès. J’ai retrouvé le trait simple, parfois naïf, et les actions parfois un peu statiques. Mais le dessin n’entrave pas le propos, il parvient à décrire simplement et efficacement la situation. Le noir et blanc est approprié, je pense que la couleur aurait trop enjolivé le propos. Quant à la fin de l’histoire, elle est forte, on se demande si on aurait fait le même choix que Joe dans sa situation, c’est donc un album qui peut engager le dialogue et inciter à réfléchir : vous l’aurez compris, c’est un album comme je les aime…

Non mentionné sur l@BD, je dirais à partir de 13 ans, car il y a des scènes qui font que je ne mettrais malheureusement pas cet album entre les mains d’élèves de 6ème…

On en parle sur les blogs : L’ourse bibliophile, La bibliothèque de NouketteA propos de livres, D’une berge à l’autre, Sans connivence

Quelques planches à voir sur le site de l’éditeur.

Aller voir du côté du site de l’auteur.

7 réflexions au sujet de “Orignal”

  1. Je l’ai acheté et mis à disposition des élèves sans le lire : un 4e m’a dit « il est chelou votre livre madame » donc je m’en suis emparée. Il parlait du choix devant le trou. Alors on a discuté. Je m’en veux d’avoir pensé qu’il était comme « 520km » car des 6e l’ont lu avant sans broncher…ce qui m’a un peu fait frémir devant la violence sexuelle de l’agresseur…Heureusement j’ai réussi à leur en reparler tranquillement : personne n’a été traumatisé…

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    1. C’est vraiment cette violence-là qui m’a fait dire que je ne mettrais pas cet album entre les mains de tous les élèves. Dommage, car cela concerne peu de pages dans l’album, et la thématique concerne bien les élèves… Encore heureux qu’ils n’aient pas été traumatisés, je crois qu’il leur en faut plus que ça.

      Ps: une « suite » de 520 km (ou plutôt une histoire parallèle) est sortie en mai dernier 🙂

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    1. Effectivement, et c’est bien dommage… Je ne connais pas d’autre BD sur le harcèlement pour les jeunes. Si tu as des titres, ça m’intéresse !

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