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L’île aux remords

L’ÎLE AUX REMORDS, par Didier Quella-Guyot (scénario) et Sébastien Morice (dessin) (Bamboo, 2017, coll. Grand angle)

ile remords

1958, dans le sud-est de la France, des inondations monstrueuses se produisent. Jean, médecin de campagne, va porter secours à son père qui vit dans une maison isolée dans les collines. Ce retour est inattendu, car cela fait un quart de siècle que le jeune homme est parti pour entrer dans l’armée, et il a donné peu de nouvelles depuis. Les conditions climatiques vont amener Jean à rester plusieurs jours dans la maison de son enfance : il va y découvrir la vraie identité de sa mère et de son père, raconter à son père ses aventures en tant que médecin militaire dans les bagnes des colonies françaises. Les avis des deux hommes divergent, totalement à l’opposé l’un de l’autre… Mais l’histoire familiale de Jean va remettre en question ses certitudes…

Le dernier album du duo qui avait réussi Facteur pour femmeset Papeete 1914 (tome 1 et tome 2), comment pouvais-je rater ça ? La bibliothèque le proposait parmi les nouveautés, alors je n’ai pas attendu avant de l’emprunter ! Le sujet est encore différent des albums cités ci-dessus, l’histoire se passant dans différents endroits, depuis les Cévennes jusqu’en Indochine, en Guyane et en Corse. Un vrai voyage à travers ces 70 planches ! Mais le périple n’est pas de tout repos puisque dans les régions extérieures à la métropole, il est plutôt question des bagnes que notre héros, Jean, a fréquentés en tant que médecin, plutôt que de paysages exotiques…. Les conditions de vie y sont présentées, horribles (mais cela n’effraie pas le jeune Jean, qui a des pensées plutôt ultra-colonialistes…). Le récit est parfois assez dur, avec les dures conditions de vie liées au climat mais aussi à la considération des français envers les bagnards. Le personnage de Jean est ambivalent : au départ en tant que lecteur, on a une bonne opinion de lui, alors que son père semble plutôt rétrograde, puis au fil du récit, on se rend compte qu’en fait c’est plutôt l’inverse : Jean est colonialiste, ne croit pas en les droits de l’homme, a une vision froide et déshumanisée des bagnards. C’est intelligemment construit, car c’est assez rare, je pense, de trouver un personnage sur lequel on change véritablement d’opinion en cours de lecture. En tout cas, cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé…

J’ai globalement bien aimé cet album, même s’il passe vite sur certains thèmes, même si on saute d’un pays à l’autre, et même si les rebondissements sont parfois improbables. J’ai eu quelquefois l’impression désagréable que l’histoire était survolée, mais je crois que les magnifiques dessins ont pris le dessus sur le scénario parfois un peu faiblard ou trop tordu (du style sa mère qui ne l’est finalement pas, et sa seconde mère qui ne l’est pas non plus…)… Cette histoire aurait certainement mérité plus de pages, pour avoir le temps de tout développer. Heureusement que le trait de Sébastien Morice sauve un peu cet écueil : en effet, il est toujours aussi précis, spécialement au niveau des portraits. Les couleurs sont délicates, et les cadrages variés happent le lecteur qui ne peut pas quitter l’album avant la dernière planche. Enfin, le petit dossier documentaire en fin d’album est intéressant et éclaire sur un aspect méconnu des bagnes dans les colonies française (en Guyane, mais aussi en Indochine). J’ai donc un avis mitigé sur cet album qui comporte quand même certains défauts scénaristiques un peu dérangeants à mon goût…

Je dirais à partir de 13 ans

On en parle sur les blogs : La bibliothèque de Noukette, Chroniques de l’invisible, Etagère imaginaire, Miss Alfie

Premières planches à voir sur Izneo.

Cet album participe à la-bd-de-la-semaine-150x150, cette semaine chez Moka au milieu des livres. Filez voir les billets des autres participants sur son blog !

39 réflexions au sujet de “L’île aux remords”

  1. Noukette m’avait déjà donné envie de lire cet album, tu la confirmes malgré tes quelques bémols.
    J’aime l’idée de ce retournement et oui les dessins sont magnifiques – j’avais beaucoup aimé Facteur pour femmes

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  2. Facteur pour femmes est plus facile c’est vrai mais j’ai beaucoup aimé celui-ci, notamment la relation entre le fils un peu réac et le père humaniste, en inversion des rôles. L’histoire est un peu compliquée mais je crois surtout comme tu le dis qu’il aurait mérité une centaine de pages au moins. En tout cas ce duo d’auteurs est vraiment très sensible et bon!

    Aimé par 1 personne

  3. Déjà noté chez Noukette et ton billet, malgré les quelques défauts que tu notes, donne envie ! Un duo d’auteurs que j’ai bien aimé dans Papeete et franchement adoré dans « Facteur pour femmes » !

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